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Lutter contre la précarité alimentaire et l’exclusion sociale, un enjeu amplifié par la crise sanitaire pour les banques alimentaires européennes

Être dans l’incapacité d’accéder à une nourriture saine et équilibrée, en quantité suffisante, engendre une exclusion de la personne, une rupture du lien social, ainsi que des problèmes de santé et de bien-être.

Être dans l’incapacité d’accéder à une nourriture saine et équilibrée, en quantité suffisante, engendre une exclusion de la personne, une rupture du lien social, ainsi que des problèmes de santé et de bien-être.

De ce constat est né le principe des banques alimentaires. Tout commence un 13 mars 1984, le jour où le journal La Croix publie un appel de Sœur Cécile Bigo, nommé « J’ai faim », dans lequel elle dénonce le gaspillage alimentaire. En réponse à cet appel et inspiré des Food Banks américaines et canadiennes créées à la fin des années 60, Bernard Dandrel, décide de créer, avec un collectif d’associations, la première banque alimentaire française, à Arcueil. 

En France, les Banques Alimentaires sont le premier réseau national d’aide alimentaire[1]. Le principe : la banque alimentaire collecte et redistribue, non pas directement à des bénéficiaires, mais à des associations engagées auprès des plus précaires, qui elles vont distribuer les denrées.

Ce réseau, regroupé au sein d’une Fédération, est composé de 79 banques alimentaires et 29 antennes locales, réparties sur tout le territoire. Le Fédération Française des Banques Alimentaires fait partie de la Fédération Européenne des Banques Alimentaires, depuis sa création. Les Banques Alimentaires sont la seule association à bénéficier d’un tel réseau, porteur de solidarité à l’échelle européenne et lieu d’échanges indispensables entre les différents pays.

En 2018, en Europe, 109,2 millions de personnes étaient exposées au risque de pauvreté et d’exclusion sociale, soit 21,7 % de la population de l’Union Européenne

  1. L’échelle européenne au cœur d’une organisation efficace et solidaire
  2. La Fédération Européenne des Banques Alimentaires, un outil nécessaire à l’efficacité de l’aide alimentaire

En 1986, consécutivement à la création de la première banque alimentaire en France, Bernard Dandrel et André Hubert, fondateur de la banque alimentaire belge, ont compris la nécessité de créer un organisme qui représenterait l’ensemble des banques alimentaires au niveau européen. Ils créent ainsi la Fédération des Banques Alimentaires la même année.

La Fédération regroupe aujourd’hui 24 pays membres, qui sont soit des organisations nationales soit den entités individuelles, et 5 membres associés.

Depuis 2018, la Fédération s’est rapprochée des institutions européennes et ONG afin de renforcer sa vision globale de la demande d’aide alimentaire et d’assurer l’efficience sur le terrain.

  1. La force des valeurs partagées par le réseau européen

Donner, partager, lutter contre le gaspillage alimentaire et participer à la solidarité européenne[3], tel est le leitmotiv traduit dans la Charte de la Fédération que les banques alimentaires appliquent au quotidien.

Concrètement, comment cela se traduit :

  • Donner : les denrées reçues et redistribuées sont exemptes de charges  ; en effet, les opérations des banques alimentaires reposent en premier lieu sur le volontariat et ensuite sur le soutien de nombreuses organisations publiques ou privées ainsi que les dons des particuliers, des entreprises mais aussi du Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD).
  • Partager : les produits sont partagés de manière équitable et sans discrimination entre les associations partenaires des banques alimentaires et leurs bénéficiaires.
  • Lutter contre le gaspillage alimentaire : en récupérant les surplus nutritifs de la chaine alimentaire, les banques alimentaires jouent un rôle majeur dans la réduction du gaspillage. En effet, les supermarchés sont des donateurs précieux.
  • Participer à la solidarité européenne : les banques alimentaires favorisent la cohésion sociale entre tous les citoyens au niveau régional, national et européen ainsi que la solidarité entre les banques alimentaires, quel que soit le pays dans lequel elles sont actives.
  1. Des sources d’approvisionnement diversifiées

En 2019, la répartition entre les différentes sources de la Fédération était la suivante :

– les secteurs de la fabrication et de la grande distribution (70%),

– le Fonds Européen d’Aide aux plus Démunis (FEAD) (17%),

– les produits retirés des marchés nationaux et européens (7%)

– les collectes alimentaires (6%).

Grâce à ces ressources, 768 000 tonnes de produits alimentaires ont pu être distribués, soit l’équivalent de 4,2 millions de repas par jour, à 9,5 millions de personnes, par le biais de 45 283 organisations caritatives.

Il est intéressant de noter qu’à l’origine un mécanisme avait été mis en place à l’échelle européenne pour absorber le surplus alimentaire de production européenne et le distribuer aux plus démunis. Ce Programme Européen d’Aide aux plus Démunis (PEAD) était donc directement lié à la Politique Agricole Commune (PAC). Au fur et à mesure de l’adaptation de leur production par les pays membres, ce mécanisme a été de moins en moins efficient et a conduit à l’achat de denrées afin de répondre aux besoins croissants des populations européennes. Ainsi une nouvelle organisation voit le jour :  Le Fonds Européen d’Aide aux plus Démunis en 2014 et son périmètre est élargi : apporter une aide alimentaire et/ou une assistance matérielle de base aux personnes les plus démunies[4]. Il contribue à satisfaire les besoins les plus élémentaires, une condition préalable pour ensuite permettre aux personnes bénéficiaires de trouver un emploi ou de suivre une formation, telle que celles qui sont financées par le Fonds Social Européen.

Pour la prochaine programmation (2021-2027), le FEAD sera intégré au Fonds Social Européen, dont l’objet a été élargi. Les seuls bénéficiaires du Fonds sont les organisations partenaires à but non lucratif en charge de l’aide alimentaire sélectionnées par les autorités nationales. En France, quatre associations ont été choisies : les Restaurants du Cœur, la Croix-Rouge française, le Secours populaire français et la Fédération Française des Banques Alimentaires[5].

  1. Un véritable mécanisme de lutte contre la précarité alimentaire et contre le gaspillage

En septembre 2015, l’Assemblée Générale des Nations-Unies a adopté 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Or, les deux premiers objectifs ont respectivement pour finalité d’éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde ainsi que d’éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable. Ces deux objectifs sont à mettre en relation avec l’objectif numéro 12 qui vise à garantir des modes de consommation et de production durable, en incitant notamment à « réduire de moitié, à l’échelle mondiale, le volume de déchets alimentaires par habitant au niveau de la distribution comme de la consommation»

En Europe, environ 80 millions de tonnes de nourriture sont gaspillées chaque année, avec des coûts associés estimés à 143 milliards d’euros[7].

Tous les acteurs de la chaine alimentaire ont un rôle à jouer dans la prévention et la réduction du gaspillage en partant de ceux qui produisent et transforment les aliments jusqu’à ceux qui rendent les aliments disponibles à la consommation. Les banques alimentaires récupèrent les excédents alimentaires afin de les redistribuer aux plus démunis, et finalement aux consommateurs eux-mêmes, par le biais d’associations.

Le gaspillage alimentaire n’est pas uniquement un problème éthique et économique, mais il épuise également les ressources naturelles de l’environnement. En 2015, la Commission Européenne a publié une communication affirmant que « le gaspillage alimentaire est une préoccupation croissante en Europe. La production, la distribution et le stockage des denrées alimentaires utilisent des ressources naturelles et génèrent des impacts environnementaux. Jeter des aliments encore comestibles augmente ces impacts et entraine des pertes financières. Le gaspillage alimentaire a également un angle social important : il faut faciliter le don de denrées encore comestibles mais qui ne peuvent être commercialisées pour des raisons logistiques ou commerciales »[8].

  1. Missions de la Fédération Européenne des Banques Alimentaires

La Fédération Européenne des Banques Alimentaires a pour missions principales de renforcer le réseau des banques alimentaires, en collaborant avec ses membres pour concevoir et mettre en œuvre des programmes qui visent à renforcer le professionnalisme des banques alimentaires, à stimuler l’innovation, et à élargir leur portée, et développer ces dernières, via le partage d’expérience, la formation et la recherche de partenaires. Par ailleurs, la Fédération a également pour fonction de sensibiliser et plaidoyer au niveau de l’Union Européenne, en particulier sur la précarité alimentaire, la malnutrition et le gaspillage et ses conséquences sur notre environnement.

Elle favorise également l’émergence de nouvelles banques alimentaires, d’une part en donnant des conseils sur des projets locaux, et d’autre part en contribuant à la prise de conscience collective, grâce à l’organisation d’évènements. Dans les pays au sein desquels les besoins sont importants mais aucune banque alimentaire n’existe, la Fédération noue des liens avec des associations existantes, des entreprises, les pouvoirs publics, pour faire émerger et développer de nouveaux projets en adéquation avec le modèle de banque alimentaire de la Fédération.

  1. La pandémie de Covid 19, révélatrice des inégalités alimentaires
  1. Une hausse constante de la demande alimentaire

Dans le monde et en Europe, la crise sanitaire a pour conséquence une crise économique et sociale sans précédent, engendrant une nouvelle urgence alimentaire. Dans son rapport d’avril 2020, la Fédération a souligné une hausse de 50 % de la demande alimentaire, comparé à la période précédant la pandémie. Le Secours populaire confirme ces chiffres avec une hausse de 45 % de ces bénéficiaires.

Pour soutenir les banques alimentaires, la Fédération européenne a lancé un fonds social d’urgence Covid-19. A ce titre, 42 sociétés, fondations et organisations ainsi que de nombreux citoyens se sont engagés à faire un don d’environ 4,5 millions d’euros, l’objectif étant d’atteindre 10 millions de fonds collectés. Environ 4 millions d’euros ont déjà été redistribués à 27 membres de la Fédération, afin de couvrir les frais imprévus et répondre à des besoins concrets. En parallèle, se sont également engagées à donner de la nourriture ou autres aides matérielles (cartons, équipements de protection, transport…) aux banques alimentaires.

La Fédération a également coordonné un travail d’évaluation à l’échelle européenne des besoins.  En complément, avec l’implication des institutions de l’Union Européenne, un groupe de travail  a été mis en place sur les enjeux stratégiques futurs des banques alimentaires et le plan d’action à découlant.

  1. De nouveaux challenges pour les banques alimentaires

Le contexte peut varier d’un pays membre à un autre, mais toutes les banques alimentaires font face à des défis similaires (et colossaux), tels que la demande croissante de nourriture, la perte de bénévoles et une baisse des ressources financières.

L’engagement, la créativité et l’innovation deviennent alors des éléments stratégiques de l’efficacité. : mise en place d’outils numériques, gestion des entrepôts adaptée, numérisation de certaines activités telles que les traditionnelles collectes, recherche de nouvelles collaborations…

C’est notamment le cas des banques alimentaires françaises, qui ont dû faire face à de nouveaux défis. Depuis le 17 mars 2020, date du premier confinement en France, le réseau français des banques alimentaires s’est mobilisé et a vu son fonctionnement traditionnel modifié, afin de continuer à assurer une distribution alimentaire. En effet, chaque banque alimentaire a dû s’adapter au contexte de la crise sanitaire actuelle, notamment sur les points suivants : la baisse drastique des effectifs de bénévoles et salariés, l’approvisionnement en denrées alimentaires, le mode de distribution des produits, le soutien aux associations partenaires, ainsi que l’accueil des nouveaux partenaires associatifs.

Concernant l’impact sur les stocks, la situation inédite du confinement a conduit les banques alimentaires à puiser dans les stocks de produits secs, après avoir épuisé les dons de produits frais au début du confinement. La collecte habituelle du printemps n’ayant pu être organisée dans la plupart des banques alimentaires, certaines entreprises ont fait preuve d’une grande solidarité afin de pallier le manque de stocks, comme par exemple la mobilisation de leur usine pour une journée de production au profit des banques alimentaires ou des dons de produits alimentaires demandés par le réseau.

Pendant le premier confinement, les banques alimentaires ont également multiplié les appels au bénévolat afin de mobiliser de nouveaux bénévoles. A ce titre, plus de 1 500 personnes, bénévoles ponctuels et volontaires, sont venus renforcer les rangs du réseau grâce à la plateforme mise en place par le gouvernement : la réserve civique

Tous les ans, une grande collecte de produits alimentaires est organisée au mois de novembre.

Cette année, le réseau des banques alimentaires français a adapté sa collecte nationale annuelle. En effet, depuis le 20 novembre, une plateforme solidaire numérique a été lancée, afin de permettre aux donateurs d’acheter des « paniers virtuels », qui seront transformés en denrées alimentaires. Cette plateforme, mise en ligne jusqu’au 20 décembre, « répondra ainsi à la demande des donateurs souhaitant faire preuve de solidarité, mais ne souhaitant pas se rendre au magasin », ont affirmé les banques alimentaires dans un communiqué.  Elle permettra de compléter la collecte qui aura lieu dans les magasins du 27 au 29 novembre. L’année dernière, cette collecte avait permis de récolter près de 11.000 tonnes de produits alimentaires, soit l’équivalent de 23 millions de repas destinés à être distribués aux plus démunis[9].

Le réseau des banques alimentaires anticipe une forte augmentation de la demande d’aide alimentaire dans les mois à venir. En septembre dernier, le gouvernement français a lancé un plan de relance à hauteur de 100 milliards d’euros. Selon Suzanne Evain, chargée des relations institutionnelles à la Fédération Française des Banques Alimentaires, explique que « 0,1 % du budget de ce plan de relance sera fléché spécifiquement sur les associations de lutte contre la pauvreté, soit 100 millions d’euros, à travers des appels à projets ». Cette prise en compte au niveau national de la précarité et de la pauvreté est une bonne chose, cependant, au regard des impacts de la crise, on peut se demander si malheureusement cela sera suffisant.

[1] https://www.banquealimentaire.org/notre-organisation-150

[2] https://www.eurofoodbank.org/en/poverty-in-europe

[3] https://www.eurofoodbank.org/en/members-network

[4] https://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=1089&langId=fr

[5] https://solidarites-sante.gouv.fr/affaires-sociales/lutte-contre-l-exclusion/lutte-contre-la-precarite-alimentaire/article/fonds-europeen-d-aide-aux-plus-demunis-fead

[6] https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/sustainable-consumption-production/

[7] https://www.eurofoodbank.org/en/food-waste

[8] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX%3A52015DC0614

[9] https://www.lefigaro.fr/flash-actu/covid-19-les-banques-alimentaires-adaptent-leur-collecte-annuelle-a-la-crise-sanitaire-20201120

 

 

 

 

 

 

 

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