Non, nous ne sommes pas tous égaux face au coronavirus. Si la crise a touché la France entière, les personnes les plus précaires ont été plus touchées en fréquence et en gravité. Surexposées et plus vulnérables, leurs conditions de vie se sont dégradées. Face au constat de court terme d’une crise qui a exacerbé les inégalités sociales, sanitaires et économiques, une réflexion s’impose sur son impact et sur la réduction des inégalités dans #lemondedaprès.
Inégalités sanitaires, inégalités économiques, inégalités dans le confinement… quand un virus exacerbe et révèle les difficultés des plus précaires
Des taux plus élevés de contamination liés à une exposition et une vulnérabilité accrues,
L’histoire des épidémies a montré qu’elles touchent en priorité les populations les plus pauvres, en termes de fréquence mais aussi de gravité. Si l’on ne dispose aujourd’hui pas d’études épidémiologiques prouvant scientifiquement que les zones les plus défavorisées ont été les plus touchées par la crise du covid19, les observations de terrain semblent corroborer cette hypothèse. Le département le plus pauvre et le plus peuplé de France Métropolitaine, la Seine-Saint-Denis, a connu une « surmortalité exceptionnelle »[i] et inquiétante, et ses structures hospitalières ont été rapidement dépassées. En effet, ce département a connu la plus forte évolution de mortalité en nombre de décès, enregistrant +118,4% par rapport à 2019[ii].
Sans parler de causalité, mais plutôt de corrélations, plusieurs facteurs antérieurs à l’épidémie peuvent être mis en avant pour expliquer les disparités territoriales observées. Premièrement, on observe de fortes problématiques sanitaires, rendant plus vulnérable au virus. Les maladies chroniques aggravantes du covid19 – diabète, obésité, maladies respiratoires – sont surreprésentées dans la population[iii] . Le réseau de médecins y est plus faible qu’ailleurs et est sous doté en matériel (trois fois moins de lit de réanimation qu’à Paris). On note, de plus, une prise en charge tardive de patients ayant tendance à attendre avant d’aller chez le médecin pour des raisons financières[iv]. Les cas sont donc plus fréquents et plus graves.
Un confinement à double tranchant : surexposition et dégradation des conditions de vie
Censé stopper la propagation du virus, le confinement a pu être pour les personnes les plus précaires, une possibilité supplémentaire de transmission du virus.
Les inégalités résidentielles sont en effet prégnantes, et les personnes les plus précaires souffrent souvent du mal-logement. Dans les zones urbaines très denses, dans des appartements exigus parfois surpeuplés et/ou insalubres, la distanciation physique imposée par les mesures de confinement est impossible à mettre en œuvre. On observe ainsi un taux de propagation intrafamiliale du virus de 42% dans les ménages de Seine-Saint-Denis contre 22% à Paris, lié au fait que + 570 000 ménages vivent dans un logement comptant moins d’une pièce par personne.
En outre, les personnes les plus précaires ont vu leurs conditions de vie très dégradées par le confinement. Les impacts sont nombreux : impossibilité de faire l’école à la maison, impossibilité de s’isoler, cohabitation ayant des conséquences néfastes sur la santé mentale, fracture numérique accroissant l’isolement social, …
Une paupérisation économique : baisse des salaires et surcoûts
Avec le confinement, l’arrêt complet du pays pendant deux mois, a aussi eu un effet sur la paupérisation économique des personnes les plus en difficultés.
L’impact immense de la crise sur l’activité économique a eu des répercussions en terme l’emploi, empirant la situation économique des personnes en emplois précaires. Déjà fragiles, les personnes peu qualifiées et les salariés en contrat court ont été plus touchés par le chômage partiel. Les contrats d’intérim et les « petits boulots » se sont arrêtés, tandis que les petits indépendants ont souffert de l’arrêt de leur activité. Par ailleurs, la plupart des « petits boulots » informels n’ont pas été poursuivis. Pour les personnes à la rue, les maigres revenus issus de la mendicité ont été réduits à zéro.
Inversement à cette baisse de revenus, le confinement a imposé des surcoûts qui ont pesé sur le budget des ménages. L’alimentation est par exemple devenue une problématique majeure de la crise sanitaire. L’augmentation de plus de 40% des demandes d’aides alimentaires auprès du Secours Populaire Français reflète cette réalité. En effet, un certain nombre de dispositifs qui permettait de soulager les familles n’ont pu être maintenu en raison du confinement. Par exemple, les repas du midi sur les temps scolaires des enfants dont les familles répondaient à des critères sociaux n’étaient plus pris en charge par les collectivités locales.
La réduction des inégalités, un enjeu au cœur du déconfinement et du #mondedaprès
Aujourd’hui, réussir le déconfinement
Au lendemain du déconfinement, le journal Libération soulignait une reprise à deux vitesses qui accentuerait la fracture sociale et exacerberait les inégalités. Il distingue les travailleurs « invisibles » serrés dans des transports en commun bondés, sans distanciation physique, des cadres et professions supérieures pouvant télétravailler, à l’abri du virus[v]. Face à cette réalité, il semble nécessaire de mettre en œuvre des conditions permettant la protection de chacun.
Dans l’immédiat, la priorité est celle de l’égalité d’accès aux mesures de protection. Le port du masque devenu obligatoire dans les transports en commun, dans les entreprises et dans certains magasins, rendre les masques accessibles pour tous est un enjeu majeur. Toutes les collectivités ne s’étant pas engagées à les distribuer gratuitement, l’acquisition de masques à 95 ct pièce peut rapidement peser sur un budget. Des mesures et des actions solidaires sont nécessaires, pour que le masque ne devienne pas un nouveau marqueur visible des inégalités, entre ceux qui ont les moyens d’en avoir et les autres.
Une stratégie de réduction des risques efficace doit prendre en compte les inégalités sociales. Elle nécessite de développer le sentiment de capabilité des individus de mettre en œuvre les mesures barrières et de se protéger face au virus. Expliquer, éduquer en prenant en compte la variété des représentations de santé et de soin selon l’appartenance sociale et culturelle est indispensable pour provoquer l’adhésion et faire accepter les mesures de protection[vi]. Pour ce faire, le tissu associatif, qui connait les publics les plus à risque et sait les mobiliser, est en première ligne, en lien avec les collectivités territoriales.
Demain, éviter la reproduction des inégalités grâce à la solidarité
Nous ne connaissons pas les effets à long terme de cette crise multiforme. Nous sommes au début d’une crise, qui n’est pas comme les précédentes. Néanmoins, le chômage et l’appauvrissement se profilent pour une partie de la population mondiale.
Pour que la crise ne creuse pas le sillon des inégalités, la solidarité se trouve au cœur de la réponse. Sur le plan économique et social, nous pouvons réinterroger les complémentarités territoriales, et concilier les interventions multi-partenariales au service de l’intérêt général. Les complémentarités entre l’Etat, les collectivités locales, les entreprises et le monde associatif sont apparues comme majeure et essentielle à la nouvelle vie de la Cité. Pour les jeunes, l’urgence porte sur le soutien scolaire pour éviter un décrochage scolaire creusant les inégalités socioéconomiques sur le long terme. Enfin, nous pouvons espérer un maintien et un approfondissement des solidarités locales et nationales qui se sont réveillées pendant la crise sur les droits humains fondamentaux : se loger, s’alimenter, se soigner. (= insérer lien avec l’article sur les solidarités)
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