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La précarité au féminin : une réalité persistante en France

En 2023, l’INSEE révèle  dans l’étude « Pauvreté selon le sexe et le seuil Â» que  16,1 % des femmes vivent sous le seuil de pauvreté, contre 14,6 % des hommes. L’écart s’accentue lorsque l’on retient le seuil de pauvreté le plus…

En 2023, l’INSEE révèle  dans l’étude « Pauvreté selon le sexe et le seuil Â» que  16,1 % des femmes vivent sous le seuil de pauvreté, contre 14,6 % des hommes. L’écart s’accentue lorsque l’on retient le seuil de pauvreté le plus sévère fixé à 50 % du revenu médian : 8,7 % des femmes sont concernées, contre 8,2 % des hommes.

La précarité vécue par les femmes demeure une problématique sociale majeure, révélatrice des inégalités systémiques qui perdurent dans nos sociétés. Qu’il s’agisse de l’accès à l’emploi, des conditions de travail, du logement ou de la santé, les femmes sont souvent confrontées en première ligne à des situations de fragilité économique. Plusieurs associations réunies au sein du ‘’Collectif Alerte’’, dont Emmaüs France, alertent sur une réalité : la pauvreté touche de plus en plus les femmes.

 

En France, les inégalités de revenus et de conditions de vie entre les sexes restent une réalité tenace. En 2023, l’INSEE révèle  dans l’étude « Pauvreté selon le sexe et le seuil » que  16,1 % des femmes vivent sous le seuil de pauvreté, contre 14,6 % des hommes. L’écart s’accentue lorsque l’on retient le seuil de pauvreté le plus sévère fixé à 50 % du revenu médian : 8,7 % des femmes sont concernées, contre 8,2 % des hommes.

Ces différences chiffrées traduisent une féminisation de la pauvreté, largement documentée par le Haut Conseil à l’égalité qui souligne que les femmes représentent 55 % des ménages pauvres et 57 % des allocataires du revenu de solidarité active (RSA). Plus frappant encore, elles constituent 70 % des travailleurs pauvres. Ce constat s’explique par leur forte présence dans les emplois précaires : près de 80 % des temps partiels et 70 % des contrats courts sont occupés par des femmes. Ces emplois, souvent faiblement rémunérés, instables et peu protecteurs, limitent leurs perspectives d’ascension sociale.

 

Mais la précarité ne se réduit pas aux chiffres du marché du travail. Elle est le reflet d’inégalités structurelles, liées aux rôles sociaux attribués aux femmes, aux interruptions de carrière dues à la maternité, et à des discriminations persistantes en matière de salaire et de progression professionnelle. D’après la DREES, citée par les Petits Frères des Pauvres, les inégalités de revenus entre les femmes et les hommes persistent même à la retraite : en 2021, la pension moyenne perçue par les femmes était inférieure de 40 % à celle des hommes. Même en tenant compte des pensions de réversion, l’écart reste important, à hauteur de 28 %.

Autrement dit, les femmes subissent une double peine : fragilisées pendant leur vie active, elles continuent de l’être au moment de la vieillesse.

 

 

I Quand la séparation précipite dans la pauvreté

 

L’enjeu n’est pas seulement d’offrir un emploi, mais un emploi stable, reconnu et suffisamment rémunérateur pour garantir l’autonomie.

D’après la Fédération des acteurs de la solidarité, 82 % des familles monoparentales en France sont assumées par des femmes. Ce chiffre, déjà impressionnant, prend tout son sens lorsqu’on observe les conditions de vie de ces mères seules : elles doivent assumer, avec un seul revenu, des charges de logement de plus en plus lourdes, gérer le quotidien sans relais, et composer avec un marché du travail qui leur propose souvent des emplois à temps partiel ou instables.

L’absence de solutions de garde adaptées accentue leur vulnérabilité : sans mode de garde accessible, impossible de travailler à temps plein ou d’accepter des horaires atypiques. Le cumul de ces contraintes entraîne une spirale : emploi précaire → revenu insuffisant → impossibilité de financer logement ou garde → isolement social → aggravation de la précarité.

Une analyse publiée par The Conversation en 2024, rappelle que la sortie de cette situation passe par des mesures structurelles : revaloriser les métiers féminisés, encadrer le temps partiel subi, et augmenter les salaires dans les secteurs où elles sont surreprésentées (soin, éducation, santé).

Ainsi, la pauvreté des familles monoparentales illustre bien la dimension genrée de la précarité. Elle ne relève pas d’une accumulation de malchances individuelles mais du croisement entre politiques publiques insuffisantes, normes sociales persistantes et marché du travail inégalitaire

II Le diplôme ne protège pas : les limites de la méritocratie

 

Camille Peugny, sociologue, rappelle que l’école française reproduit plus souvent qu’elle ne corrige les inégalités sociales.

Contrairement à une idée répandue, suivre des études ne garantit pas d’être protégé de la pauvreté. Même diplômées, de nombreuses femmes connaissent des parcours marqués par la précarité, notamment lorsqu’elles assument seules l’éducation de leurs enfants. Le capital scolaire, censé être un tremplin, se transforme parfois en capital sous-exploité.

Camille Peugny, sociologue, rappelle que l’école française reproduit plus souvent qu’elle ne corrige les inégalités sociales. Pour les femmes, ce mécanisme est aggravé par la ségrégation professionnelle. Beaucoup de diplômées se retrouvent cantonnées dans des secteurs peu valorisés économiquement, comme l’éducation, la santé ou l’administration, professions essentielles mais sous-payées.

Perrine Agnoux, dans La Nouvelle Revue du Travail (publiée en 2023), souligne que ce déclassement professionnel touche particulièrement les femmes vivant en zones rurales. Malgré leurs diplômes, leurs débuts de carrière sont souvent faits de petits contrats, de temps partiels subis et de bas salaires. Dans des bassins d’emploi restreints, leur marge de manœuvre est encore plus réduite.

Cette situation met en lumière les limites du modèle fondé sur la réussite scolaire comme principal levier d’ascension sociale. Le diplôme, bien qu’indispensable, ne suffit pas à surmonter les barrières sociales, les discriminations systémiques et les normes de genre. De nombreuses femmes diplômées se retrouvent confrontées à un paradoxe cruel : avoir brillamment réussi leurs études, mais être reléguées à des postes peu valorisés, faiblement rémunérés, et souvent incompatibles avec une trajectoire professionnelle ascendante, en particulier lorsqu’elles deviennent mères.

En ce sens, la méritocratie révèle son caractère illusoire. Le diplôme protège, mais de manière inégale : il joue moins comme un levier d’ascension que comme un marqueur symbolique, incapable de briser les plafonds de verre et les assignations de genre.

 

 

 

III. Hygiène menstruelle et violences : les angles morts de la précarité

Au-delà des revenus et de l’emploi, certaines dimensions de la précarité féminine demeurent invisibilisées dans le débat public. L’accès à l’hygiène menstruelle et l’exposition aux violences sexistes en sont deux exemples majeurs.

A/ La précarité menstruelle, une dignité en question

 

l’Écosse est devenue en 2020 le premier pays au monde à rendre les protections périodiques gratuites

Dans son 3e baromètre “Hygiène et précarité en France », l’Ifop, mandaté par l’association Dons solidaires, indiquait en mars 2023   que environ 4 millions de femmes en France sont concernées par la précarité menstruelle. Pour ces dernières, acheter régulièrement des protections périodiques est un fardeau financier qui affecte directement leur dignité et leur santé. Ce phénomène touche particulièrement les étudiantes, les travailleuses pauvres et les femmes sans domicile.

La sociologue Christine Castelain-Meunier souligne que les menstruations restent un tabou social. Cette invisibilisation empêche d’intégrer pleinement la question menstruelle dans les politiques publiques de lutte contre la pauvreté. Pourtant, certains pays montrent la voie : l’Écosse est devenue en 2020 le premier pays au monde à rendre les protections périodiques gratuites, considérant l’accès à l’hygiène comme une question de justice sociale.

 

B/ Les violences sexistes : un frein invisible à l’égalité professionnelle

La précarité se nourrit aussi des violences sexistes et sexuelles au travail. Une enquête IFOP publiée en 2019 indique que 32 % des femmes ont déjà été confrontées à une situation de harcèlement sexuel dans leur vie professionnelle. Ces violences, loin d’être anecdotiques, ont des conséquences concrètes : elles fragilisent les carrières, dissuadent certaines femmes d’accéder à des postes à responsabilité et nourrissent un climat d’insécurité professionnelle.

Comme l’expliquait Françoise Héritier avec son concept de « valence différentielle des sexes », ces violences traduisent une hiérarchisation implicite entre les genres, profondément enracinée dans les rapports sociaux. Elles sont donc le symptôme d’un système, et non de comportements isolés.

 

 

Conclusion : sortir de la précarité féminine, un enjeu collectif

La précarité féminine n’est pas une fatalité individuelle, mais le produit d’inégalités structurelles et persistantes. Elle prend racine dans des salaires inférieurs, des carrières fragmentées, la charge disproportionnée de la monoparentalité, l’exposition aux violences sexistes et la sous-valorisation des métiers dits « féminins ».

Pour réduire cette précarité, il ne suffit pas de constater. Il faut agir. Cela suppose :

  • de revaloriser les professions féminisées ;
  • de garantir un accès équitable à la formation et à l’emploi ;
  • de développer des solutions de garde abordables et adaptées ;
  • de lutter contre le non-recours aux droits sociaux ;
  • et de prendre en compte les dimensions invisibilisées comme l’hygiène menstruelle ou les violences sexistes.

Placer l’égalité au cœur des politiques publiques n’est pas seulement une question de justice pour les femmes : c’est un projet de société. Permettre aux femmes de sortir de la précarité, c’est renforcer la cohésion sociale, réduire les inégalités et construire un avenir plus solidaire pour toutes et tous.

 

Crédit photos : @CampingCare

Bibliographie

 

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